Dès la parution de Rive Rouge (1988), le premier recueil de poèmes
d'Arjen Duinker, on put découvrir la survenance d'un auteur qui ne
se coulait pas, ou refusait de se couler dans le moule typique du poète
néerlandais. Le recueil comprenait des poèmes qui semblaient
à peine davantage que des descriptions unidimensionnelles de la réalité.
Duinker y parvenait avec une telle aisance que l'inévitable question
du postmodernisme paraissait totalement superflue. Quelle réalité
? La réalité, tout simplement. Dès le début, la
poésie de Duinker a toujours parlé de la réalité
des fleurs, des pierres, des montagnes, de la pluie, du vent, du lierre ;
la réalité des choses en tant qu'entités distinctes et
autonomes. C'est-à-dire : toutes ces choses telles qu'elles existent
sans l'interposition de la pensée humaine, bien trop humaine, sans
l'interposition de ces abstractions qui dressent la tête dès
qu'un être humain ouvre la bouche. Dans son deuxième volume,
Poèmes Divers (1990), nous lisons : 'Donne-moi des abstractions, /
Je te donnerai un éventail en bois' et : 'Rien ne m'est plus étranger
que la foi, / Rien ne m'est plus étranger que de ressentir une affinité
émotionnelle / par la pensée'. Ce qu'il recherche, c'est que
: 'des choses / les choses en soi, deviennent visibles.'
Dans ses recueils parus jusqu'ici - les deux ouvrages mentionnés ci-dessus
plus Le Ravaleur et autres (1994), L'heure du rêve (1996) et un recueil
de poèmes maritimes, Zaap zaap kwaririp (1997) - il a tenté
sans relâche de se dépouiller de sa propre personnalité,
de son essence et de son bagage, afin d'introduire clandestinement dans ses
poèmes ce qu'il éprouve, sans l'intervention de la pensée
: l'aisance, l'évidence d'objets tels que les fleurs et les pierres.
Dans chacun de ses poèmes, on dirait que l'auteur, pour citer L'heure
du rêve, 'subit la fouille corporelle' d'une réalité non-interprétée
et non-humaine. Les 'choses' visitent ses poches, ses vêtements, sa
tête, sa personnalité intégrale, à la recherche
de cette qualité humaine, par trop humaine, qui veille à ce
que les gens se perçoivent toujours comme exposés à la
réalité. Dans le long poème Les heures, qui appartient
au recueil L'heure du rêve, la place (...) 'Me laisse m'attarder dans
l'ombre / de chaque possibilité. / S'approche de moi / Et me fouille
/ Esquisse un mouvement de recul / Et éclate de rire.'
Le rire de la réalité en soi résonne souvent dans sa
poésie. Ce rire veille à ce que la pierre qui ne peut pas faire
fleurir la floraison, que l'abstraction permanente du langage, se transforme
en éventails de bois dans les mains de Duinker, et que les lecteurs
entendent immédiatement la réalité s'exprimer elle-même
dans un vers tel que : 'Je garde le silence sur la réalité.'
Le poète s'exclame: 'Allons, choses qui subsistez et riez, remarquez-moi
!' Cette requête, ce désir d'appartenir à une réalité
indivise, une réalité qui n'est pas éprouvée par
l'esprit mais par tous les sens, aboutit à une poésie qui part
à la recherche des propres qualités par trop humaines du lecteur.
Les poèmes vont droit au lecteur, lui font les poches, contrôlent les
coutures et les ourlets de sa personnalité, de son essence, de son
bagage, avec amabilité mais avec la détermination de le fouiller.
Duinker rend hommage à la «vie minuscule»
d'un lézard, exige que nous prêtions attention au «lacet
solitaire» et il chante magnifiquement les louanges d'un morceau de
papier qui s'est envolé au vent.
HERMAN DE CONINCK
Duinker est l'un des plus importants poètes de notre époque.
KOEN VERGEER in DE MORGEN
Un poète extrêmement lyrique.
REMCO EKKERS dans le LEEUWARDER COURANT
Le Néerlandais Arjen Duinker, né en 1956, a fait des études de psychologie et de philosophie. Il est l’auteur d’un roman, Het moeras (« Le Marais ») et de sept recueils de poèmes, publiés depuis 1988, qui ont suffi à l’installer comme l’un des poètes contemporains les plus originaux. La poésie de Duinker s’attache aux choses, naturelles ou fabriquées, dont il tente la présence évidente, sans la médiation de la conscience humaine. C’était le cas dès son premier recueil, Rode oever (« Rive rouge », 1988). Sa poésie commence à être traduite, notamment en anglais et en italien, un de ses poèmes, ‘De steen bloeit’ (“La pierre fleurit”), du recueil L’heure du rêve (Het uur van de droom, 1996), a même été traduit en 240 langues dans le cades d’un projet expérimental.
TRADUCTIONS
L'histoire d'une énumération, traduit par Daniel Cunin, éd.
Caractères, 2003.